Les mesures phares de la loi anti-squat proposée par Guillaume Kasbarian
La première mesure est le recadrage juridique du terme squat et de l'occupation illégale .
Nouvelles définitions et durcissement des sanctions depuis 2023
Avant 2023, un squatteur n'en était pas un s'il venait s'installer dans une résidence secondaire . En effet la violation de domicile préalable au bien fondé du cadre juridique n'avait pas lieu si le propriétaire n'habitait pas le logement. Il était donc beaucoup plus difficile de contraindre les occupants à partir, alors même qu'il est plus facile de s'introduire dans des biens vides plutôt que occupés.
C'est pourquoi aujourd'hui la notion de domicile inclut le local d'habitation que le propriétaire possède mais où il ne réside pas nécessairement. La violation ainsi que le maintien dans les lieux sont punis de plus lourdes sanctions :
Selon l' article 226-4 et 315-1 s . du Code pénal, elles peuvent porter jusqu'à 3 ans d'emprisonnement au lieu d'un an. Et l'amende est susceptible de passer à 45 000 € au lieu de 15 000€.
Le texte de loi étend même la validité du champ d'application à n'importe quel local, à usage d'habitation ou commercial, meublé ou non.
La nouvelle procédure simplifiée d'expulsion
La loi anti-squat permet désormais de s'adresser directement au Préfet plutôt que de lancer une procédure administrative lourde et complexe durant laquelle le propriétaire doit fournir la preuve de son titre.
Cette mesure avait déjà été lancée par la loi ASAP (accélération et simplification de l'action publique) de 2020.
S'agissant du squat de la résidence principale ou secondaire :
Le dépôt de plainte pour violation de domicile va générer une mise en demeure auprès du Préfet, qui ordonnera un commandement de quitter les lieux . Ce qui change en 2023 : le propriétaire n'est plus obligé de fournir la preuve de son titre, l'administration peut le faire à sa place. L'occupant a 72h pour quitter les lieux avant que le Préfet ne demande une évacuation forcée .
Le propriétaire peut lancer la procédure à tout moment à partir de la flagrance. Contrairement aux idées reçues, il n'y a pas de délai à respecter pour dénoncer l' occupation illégale .
Les occupants sans titre ni droit ne sont pas protégés par la trêve hivernale et l'expulsion peut s'exécuter.
S'agissant de tout autre type de logement à usage d'habitation :
La procédure s'étend alors jusqu'à 7 jours.
On voit plus clairement maintenant que cette loi vise réellement à protéger le propriétaire et non l'occupant au titre du droit au logement . La facilitation de l'expulsion est une très bonne chose mais ne s'applique que dans le cas d'une violation de domicile .
Occupation illicite : uniquement en cas de violation de domicile ?
Et bien non. Le plus gros problème des propriétaires émane plutôt des mauvais payeurs qui se maintiennent dans un logement dont ils étaient locataires. Malgré la rupture du bail.
Ils sont d'ailleurs protégés de toute expulsion, selon l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution, entre le 1er novembre et le 31 mars. C'est la fameuse trêve hivernale.
L' occupation illicite ne résulte donc pas forcéme
nt d'un squat, qualifié par son mode opératoire. C'est pourquoi les sanctions sont plus légères avec une amende allant jusqu'à 7500€.
Dès que le propriétaire constate l' occupation illégale , il peut générer des avis d'indemnités d'occupation qui pourront lui être versées en cas de succès de la démarche juridique (expulsion pour loyers impayés ou autre).
Procédure d'expulsion clas sique et procédure d'expulsion accélérée
La mise en œuvre de la procédure ac célérée se fait sous 72h minimum avec le recours à la force publique au besoin. En fait, le propriétaire n'a qu'à déposer plainte pour violation de domicile et c'est le Préfet qui prend la suite. Il envoie un commissaire de justice (ex- huissier de justice ) constater l' occupation illicite et se charge de la mise en demeure de quitter les lieux . L'expulsion ne peut être immédiate en revanche mais elle peut ne prendre que quelques jours.
Dans une procédure d'expulsion classique, autrement dit sans violation de domicile , il faudrait beaucoup plus de temps au propriétaire pour accéder au tribunal.
Sans délit de violation, il s'agit généralement d'un locataire qui ne paye pas ses loyers, ou qui se maintient dans les lieux malgré la rupture du bail à l'initiative du propriétaire pour les motifs légaux (reprise pour soi, pour vendre ou pour motif réel et sérieux).
Le propriétaire peut mandater un huissier de justice dès deux mois d'impayés pour actionner un commandement de payer .
Le locataire peut alors régler toute ou partie de la somme, ce qui annulerait la procédure.
C'est d'ailleurs ainsi que les locataires de mauvaise foi jouent au chat et à la souris pour traîner le plus longtemps possible : si une somme est versée tous les 6 mois, elle rompt toute procédure d'expulsion , ce qui peut devenir un enfer pour le propriétaire.
Mais admettons que le locataire ne paye pas après son commandement de le faire, le bailleur peut alors demander la résiliation du bail. Le locataire a de nouveau deux mois pour préparer sa défense et prévenir l'expulsion qui ne pourra de toute façon pas avoir lieu pendant la trêve hivernale.
Toutes ces démarches prennent jusqu'à 6 mois.
En sachant que la situation familiale du locataire peut lui éviter toute expulsion tant qu'une solution de relogement n'est pas trouvée (article L412-5 du code des procédures civiles d'exécution).
Notamment s'il a des enfants mineurs ou des personnes handicapées à charge. Ce sera alors aux associations et à la mairie de trouver une solution, ce qui peut prendre évidemment beaucoup de temps. Temps pendant lequel le locataire pourrait ne pas payer d'indemnités d'occupation.
Indemnités d'occupation : la preuve que le locataire n'est pas dans son droit
Toute personne qui se maintient dans un local à usage d'habitation au-delà de la date d'échéance du bail ne se trouve plus en situation de payer un loyer, ni de recevoir des quittances ou des avis d'échéance. Il s'agit maintenant de verser des indemnités d'occupation au propriétaire. Ce qui apparaît en toute lettre et permet de se faire une idée sur l'historique du locataire qui tenterait de poser une candidature pour un nouveau logement. Bien qu'il arrive, dans de rares cas, que le locataire ait l'accord du propriétaire pour se maintenir dans les lieux plus longtemps en cas de problème de relogement, de bonne foi, après qu'il a donné congé.
Le recours des occupants illégaux
Les locataires défaillants bénéficient du recours à la loi DALO : c'est le droit au logement opposable. Toute personne a le droit à un logement décent. Si elle n'est pas en mesure de se le fournir par ses propres moyens, c'est à l'État d'y pallier. Bien sûr, il y a un cadre mais il s'applique sur les procédures d'expulsion pour les personnes ayant des enfants à charge, des personnes âgées à charge, des personnes handicapées ou si le locataire défaillant a plus de 65 ans.
➡️ À réception d'un commandement de payer , l'occupant peut demander un délai de paiement auprès du Tribunal qui va enquêter sur sa situation financière. Le juge peut alors demander un étalement de la dette locative et un délai de paiement, ce qui suspend la clause résolutoire . Il peut alors trouver le Fonds de solidarité logement pour l'aider à payer sa dette.
➡️ À réception d'un commandement de quitter les lieux , le Tribunal peut octroyer un délai allant jusqu'à trois ans. Le temps de trouver une proposition de relogement. Les évincés peuvent contacter l'ANIL pour l'aider durant toute la procédure juridique.
Une personne expulsée ne va pas forcément payer son dû.
Loi du 27 juillet 2023 : maintien des obligations du propriétaire
Le propriétaire doit continuer d'entretenir le bien malgré la défaillance du locataire ou la violation de domicile constatée. Il est pénalement responsable des dommages corporels provoqués par un logement vétuste et non entretenu.
En cas de plainte, le propriétaire doit pouvoir fournir les preuves qu'il a essayé d'entretenir le bien mais qu'on lui en a refusé l'accès, par exemple.
Ce que le propriétaire ne peut (toujours) pas faire en cas de squat
Le propriétaire bailleur ne peut pas :
Changer les serrures sans en informer le locataire ou l'occupant : il serait à son tour accusé de violation de domicile et pourrait être l'objet d'une plainte et encourir les nouvelles peines de la loi anti-squat : trois ans d'emprisonnement et jusqu'à 45 000 euros d'amende.
Utiliser un service de gros bras pour expulser lui-même son locataire : il risque alors une peine de trois ans d'emprisonnement , et une amende de 30 000 € .
S'introduire seul, sans huissier de justice , dans le logement.
Il est très tentant de se faire justice soi-même lorsqu'on en a les moyens. Malheureusement, et encore plus s'il y a des enfants dans le logement, il vaut mieux alerter les médias que de jouer les gros bras.
Meilleure protection des propriétaires : les chiffres de l'observatoire du squat
La loi visant à protéger les propriétaires a-t-elle un effet mesurable sur les squatteurs ? voit-on des changements de comportements ?
Cet observatoire est créé depuis 2021, au moment des pics médiatiques des affaires des squat. Les données sont toujours bonnes à connaître afin d'évaluer la réalité d'une situation. C'est probablement grâce à cela qu'on a nommé une commission et que les rapporteurs ont pu alimenter les débats et les propositions d'amendements.
Les 4 régions les plus squattées de France
Il s'agit, dans l'ordre, de l'Ile-de-France, des Hauts-de-France, de notre région PACA et de l'Occitanie. On y recense 80% des squats. L'abus d'occupation est un problème pour le propriétaire, mais peut aussi mettre en danger le voisinage à cause de l'insalubrité et des risques d'incendie par exemple.
À Nice on a souvenir d'un immeuble entier squatté à la rue Pertinax. L'immeuble appartenait à la mairie de Neuilly-sur-Seine, une ville dirigée à une certaine époque par Nicolas Sarkozy, ami de Christian Estrosi.
Des migrants y avaient élu domicile et c'est un départ de feu des déchets amoncelés qui les en a évacué. L'immeuble a ensuite été muré pour éviter un nouveau drame.
Les conséquences sont toujours désastreuses.
La loi ASAP de 2020 a résolu 77% des affaires rapidement
C'est ce que l'ancienne Ministre du logement, Emmanuelle Wargon, voulait justement quantifier. Autrement dit, pour l'année 2021, 95 des 121 cas de squat ont été résolus. Malheureusement des chiffres plus récents ne sont pas disponibles.
Il est possible de confronter ces données à celles de l'observatoire des expulsions, fournies par l'ex Fondation Abbé Pierre. En 2024, 1484 expulsions ont été exécutées, ce qui correspond à une augmentation de 34% par rapport à l'année précédente.
Cela corrobore une plus grande sévérité envers les squatteurs et un renforcement du droit de propriété .
Vers un équilibre entre droit du propriétaire et droit au logement ?
La loi anti-squat du 27 juillet 2023 marque un tournant significatif dans la protection des droits des propriétaires en France. En élargissant la définition du domicile et en durcissant les sanctions, elle vise à dissuader les squatteurs et à faciliter les procédures d'expulsion.
Cependant, elle soulève également des questions sur l'équilibre entre la protection des propriétaires et le droit au logement des occupants en situation précaire. Si la loi semble prometteuse pour réduire les cas de squats abusifs, son efficacité réelle dépendra de sa mise en œuvre et de l'évolution des pratiques judiciaires.