La crise immobilière : les mécanismes de l'inflation et ses conséquences sur l'immobilier

Publié le 17 janvier 2024

Cette crise de la transaction immobilière est une crise de la politique des taux et de la politique des prix. Elle n'existe que parce qu'il y a une très mauvaise gestion , totalement dérégulée, du marché immobilier en France. L'interventionnisme de l'État ou de la BCE n'est pas souhaitable, sauf quand de telles anomalies surviennent.

Pour la comprendre, il faut reprendre les bases économiques. Et vous allez voir que tout va s'éclairer.

À quoi servent les taux ? Pourquoi ramène t-on tout aux taux d'intérêt ? Et quel est leur impact sur la vie réelle et sur l'immobilier ?

crise-immobiliere-bulle-immobiliere

Immobilier et inflation : le rôle clé des taux d'intérêt

En réalité, dans "les taux d'intérêts", il y a 3 taux que l'on appelle les taux directeurs. Simplement parce qu'ils permettent de "diriger" les prix à la hausse ou à la baisse. Et le chef d'orchestre, c'est la banque centrale. Autrement dit pour la France, la BCE (Banque Centrale Européenne). Oui, parce qu'il y a bien la Banque de France mais elle est sous l'égide de la BCE.

Le taux de refinancement (ou taux principal)

Les banques françaises ont besoin d'emprunter elles aussi. Comme toutes les entreprises. Et elles empruntent à la banque centrale. Elle se refinance. Donc le taux est un taux de refinancement.

Si ce taux est bas, alors elles peuvent emprunter plus facilement et donc, prêter plus d'argent aux consommateurs. Aussi, cela dynamise l'économie.

Le taux de dépôt

Lorsque les banques déposent de l'argent auprès de la banque centrale, elles touchent un revenu (comme nous lorsque nous laissons notre argent en banque sur un livret).
Si le taux est bas, les banques n'ont pas d'intérêt à déposer leur argent, elles préfèreront faire fructifier cet argent via des crédits auprès des entreprises ou des particuliers, ce qui est plus rémunérateur pour elles.

Donc un taux de dépôt bas participe aussi à dynamiser l'économie puisque les banques vont injecter leur surplus dans l'économie réelle et non pas stocker les fonds à la BCE.

Le taux de prêt marginal

Les banques empruntent à la BCE mais en urgence et pour une durée de 24h. Forcément, c'est plus cher. Et si le taux augmente, les banques auront du mal à avoir des facilités de caisse via le prêt marginal. Il y a moins de liquidité disponible, moins d'argent circulant, donc ça ralentit l'activité économique.

❓ Mais alors, pourquoi a t-on besoin de ralentir l'activité économique en augmentant le taux de refinancement et le taux de prêt marginal ? Et bien pour contenir l'inflation et réguler les bulles économiques. Et c'est là où l'immobilier s'entremêle à l'économie réelle.

L'inflation, qu'est-ce que c'est ?

L'inflation est un phénomène de hausse des prix dont nous allons expliqué les causes.

On a beau vouloir imputer l'inflation à divers phénomènes (augmentation des coûts de certaines matières premières à cause des guerres, rareté des ressources dont le Covid a stoppé la production..) tout ceci ne serait que passager ou dépassable, s'il n'y avait pas la grande fautive en trame de fond :

La planche à billet 💶💶💶

Une monnaie saine devrait être une monnaie limitée dans sa création. Et injectée dans la société parcimonieusement. Or, vu le montant de la dette en France (3000 milliards d'euros fin 2022, dont il faut rembourser le principal et les intérêts (qui augmentent à cause de la hausse des taux d'intérêts), il n'y a pas assez d'argent en circulation pour rembourser. Donc on créé de l'argent.

​Sans limite.

Ce raz-de-marée de billets envahit l'économie au point de stimuler la demande. Car même si à votre niveau, vous n'avez pas plus d'argent, les banques, elles, vont recevoir de cette nouvelle monnaie, et vont donc prêter plus. L'État aussi va évidemment en recevoir, et va consommer plus. Et évidemment les appareils financiers qui ont acheté de la dette vont aussi en recevoir, etc etc

Au bout d'un moment, voyant que les gens consomment et donc que la demande augmente, les prix augmentent, car les biens consommés deviennent plus rares ou qu'il faut en produire davantage 📈

Voilà qui explique de manière simple l'inflation.

Une image facile : les prix sont des bateaux, les billets sont l'eau. Si l'eau augmente tel un tsunami, alors tous les bateaux sur l'eau vont s'élever du même niveau que le niveau de la mer.

Pourquoi est-ce qu'augmenter les taux ralentit l'inflation ?

Vous l'avez compris, si les taux augmentent, le coût des crédits augmentent, on ne ne peut plus emprunter, donc les gens consomment moins. Par conséquent on arrête la fuite en avant de la demande et les prix baissent.

Enfin... si tout le monde joue le jeu. (On l'a vu en 2023 avec le problème des prix qui ne baissent pas dans la grande distribution, alors qu'on avait stabilisé les taux).

Vous l'avez probablement remarqué, des petites choses ne vous paraissent pas tout à fait normal, dans ces explications. Et vous avez raison, c'est normal. Car on joue sans cesse au pompier pyromane. Ces mécanismes peuvent être expliqués de manière scientifique mais en réalité, on peut retourner le problème dans tous les sens, le système économique est malsain tel qu'il est construit : sur la dette, le crédit, et la création monétaire illimitée.

Nos ancêtres savaient que, pour limiter la dette, il fallait passer par un jubilée, qui avait lieu tous les 50 ans. De cette façon, le prêteur savait que s'il prêtait trop ou de manière inadaptée, il pouvait perdre tout son argent à la fin du cycle. Cela régulait la tentation de prêter et de s'enrichir via ce mécanisme. En conséquence, les gens étaient moins endettés et possédaient les choses pleinement, à l'abri des fluctuations et des événements politico-économiques.

Et l'immobilier dans tout ça...

L'affaire des taux à 0%

​Concernant les taux d'intérêt à 0%, il s'agit d'une politique monétaire exceptionnelle mise en place après la crise des subprimes de 2008 pour stimuler l'économie. Ensuite, à cause de la dette des États membres, la BCE a décidé d'utiliser un autre levier : l'assouplissement quantitatif.

L'assouplissement quantitatif, c'est l'achat par la BCE des obligations d'État. L'État vend (généralement sa dette) pour se renflouer. Donc en retour l'État obtient de l'argent pour rembourser sa dette et en profiter pour réaliser ses missions (construire, rénover...). Si la BCE achète des obligations, d'autres investisseurs vont faire pareil car cela suscite un engouement. La demande augmente.

Or avec les obligations, lorsque la demande augmente, les taux d'intérêt dans l'économie réelle baissent. Mais cela fonctionne uniquement avec le marché obligataire. On a vu plus haut que sur le marché financier traditionnel, ce n'est pas le cas : la demande fait augmenter les prix, et pour réguler les prix il faut augmenter les taux.

C'est l'inverse avec les obligations.

C'est comme manger un gâteau (les obligations) à 4 et manger le même gâteau à 8 : vous aurez une part plus petite au prix de la grande part, et votre retour sur investissement (porté par le taux d'intérêt fixe ou stable) sera moins important.

valeur-des-parts-inflation


Exemple :

J'ai 1000€. J'achète 1000 obligations à 1€ à un taux d'intérêt de 1%
➡️ Je récupère donc 10 € par an.

La demande augmente, donc les prix augmentent. J'achète maintenant la même obligation 2€ au même taux d'intérêt.

J'ai toujours 1000€ à investir mais j'ai donc 500 obligations à 2€
➡️ Au taux de 1%, je récupère 5€.

Le taux d'intérêt, même s'il est le même, rapporte moins de valeur.

​D'ailleurs, on a même eu des taux négatifs sur cette période, ce qui est du jamais vu dans toute l'histoire de l'humanité. l'État a payé pour qu'on lui achète ses obligations.
On a beau parler d'une politique exceptionnelle, ça ressemble surtout à une course folle et sans tête.

Or le marché se base sur cette valeur pour évaluer le bon taux d'intérêt à fixer.

Certes, la banque centrale contrôle les fourchettes des taux d'intérêt grâce aux taux directeurs, mais vous avez remarqué que, d'une banque à l'autre, les taux sont différents. 
Et bien le marché se base sur le taux de rendement du marché obligataire pour savoir s'il faut baisser ou augmenter les taux d'intérêt. S'il est bas, les taux d'intérêt, notamment des crédits immobiliers, baissent.
➕ 
Couplé à l'effet domino de l'achat d'obligations qui injecte de l'argent dans le système, et donc, fait baisser les taux.

N'oublions pas que ceci est une mesure exceptionnelle. Et qu'elle nous a menés tout droit à l'inflation actuelle.

Argent gratuit = plus d'argent = plus de demande = hausse des prix.

Les différentes bulles immobilières : de 1997 à nos jours

Et bien nous y voilà !

​Maintenant nous savons que, grâce à la politique du taux 0, les gens peuvent emprunter à gogo.
Cela crée d'une part un effet d'opportunité chez les vendeurs de biens immobiliers : tout le monde peut acheter ma maison donc je vais attendre le plus offrant.

Évidemment, cela a pour effet que les vendeurs augmentent leur prix qui gonflent de manière totalement artificielle. Ce n'est pas que leur bien a intrinsèquement plus de valeur. C'est juste qu'ils veulent en tirer le plus possible sans rien faire (ni améliorations, ni travaux donc).

Parallèlement, la banque prête mais n'arrive pas à rentabiliser car sa rémunération est faible avec les taux proches de 0%. Donc il faut faire du volume pour gagner un peu d'argent.
Alors, la banque se lance dans l'acceptation décomplexée, sans gestion du risque, de tous les crédits ou presque.
Sauf que, retour de bâton, un grand nombre de personnes s'est retrouvé en impayé. Et ça, ça coûte très cher à la banque. C'est pourquoi on a dû réglementer cela.

Mais ce n'est qu'une partie de l'iceberg euh pardon...de la bulle immobilière.

En réalité, cela a commencé bien avant 2020, quand le HCSF a mis son nez dans le dossier

La hausse des prix sur le marché immobilier a commencé en 1997.

Avant, on pouvait acheter un bien sans se ruiner grâce à des prix cohérents et grâce à un salaire qui correspondait à un pouvoir d'achat plus important. C'est donc à partir de 1997 que l'on note une forte augmentation des prix des logements. On peut l'expliquer par plusieurs facteurs :

  • Le passage à l'euro en 2002 a eu un impact sur les taux d'intérêt qui étaient plus bas.
  • L'urbanisation et l'essor des villes.
  • Les facteurs socio-démographiques : hausse des divorces et besoin en logement plus important, afflux vers les grandes villes pour le travail...
  • Hausse du nombre d'investisseurs, y compris étrangers.

Cette première bulle a vu les prix doubler entre 1985 et 2007. Et si on parle de bulle, c'est parce que les revenus des ménages ne suivent pas. Autrement dit les prix sont décorrélés de la réalité économique des emprunteurs. Et de la réalité des biens intrinsèquement.

"Éclatement" de la bulle immobilière en 2008

Après la crise des subprimes qui a eu des retentissements en France, les prix de l'immobilier ont, certes, baissé à partir de 2008. Mais ils n'ont pas chuté comme on a pu voir aux USA.

Et d'ailleurs, dès 2015, au moment de la mise en œuvre du volet 2 de la politique monétaire exceptionnelle (l'assouplissement quantitatif), les prix sont repartis à la hausse.

Nouvelle bulle immobilière de 2015 à 2021

Avec la politique du taux 0 et les crédits gratuits et faciles, les prix sont très haussiers. Les statistiques de l'INSEE renseignent une hausse des prix nationale dans l'immobilier de 30% entre 2013 et 2023 et de 21% entre 2015 et 2021 à Nice. Les propriétaires n'ont aucune intention de ne pas en profiter pour réaliser des plus-values extraordinaires, et ils continuent d'augmenter leur prix de vente.

Pourtant, cela va avoir des conséquences sur toute la prochaine génération et même au-delà. Mais qui, face à de telles sommes, aurait la lucidité de penser à cela ?
C'est exactement pour cela qu'il aurait fallu une vision à longs termes, portée par le Ministre du logement ou de la BCE. Mais ce ne fut pas le cas.

Notons en plus, l'accentuation de la hausse durant la période Covid.

Tout ceci correspond bien à la création d'une bulle comme celle des années 2000.

D'autant que les salaires eux, n'ont augmenté que de 15% entre 1996 et 2021 pour les employés, 17% pour les ouvriers et seulement 3% pour les cadres (stats INSEE).

L'accès à la propriété est donc compliqué : les prix sont beaucoup, beaucoup trop hauts et on n'ira jamais plus haut car la nouvelle politique des banques sur les crédits couplée à la hausse des taux va mettre un frein brutal à cette bulle spéculative.

La crise immobilière actuelle : de 2022 à maintenant (2024)

La correction des prix se fait sentir notamment à Paris, mais pas du tout à Nice : J'estime la valeur de mon bien

À partir de 2022 pourtant, les banques ne prêtent plus. Et les acquéreurs qui peuvent acheter se voient amputer d'un bon tiers de leur capacité d'emprunt, malgré la mesurette de la relève du taux d'usure permettant un endettement de 35% au lieu de 33%.

À moins d'y être obligés, les acquéreurs ne veulent pas se positionner sur des biens beaucoup plus petits avec des mensualités grevant trop leur budget. Ils sont attentistes, partout on parle de la baisse des prix sur le maché immobilier.
Pourtant, les vendeurs se refusent à baisser car ils espèrent encore pouvoir vendre aux prix de la bulle. Et si la bulle éclate, et que les prix subissent une correction (on parle de 30%), ils auront l'impression de perdre de l'argent.
Ce qui serait le cas si le bien a été acheté après 2017, mais s'il a été acheté avant, la correction rattraperait les prix de l'époque. Donc ils pourraient même prétendre à une plus-value pour un bien acheté encore plus tôt.

Mais pour ça, il faut qu'ils se réveillent de leur rêve doré, et qu'ils prennent conscience de l'évolution du marché car c'est réellement eux qui ont le pouvoir de relancer le secteur de la transaction.

➡️ En effet, on ne retrouvera plus jamais les taux proches de 0% pour financer les biens. On ne retrouvera donc plus jamais des prix de vente si élevés.

Et même si on parle d'une stabilisation des taux fin 2023, en réalité ils risquent de monter encore car ils sont trop bas par rapport à l'inflation.

Il est maintenant certain que les vendeurs vont devoir baisser leurs prix.

La crise du logement neuf et de la construction

Pour la construction, la hausse des prix des matières premières et du coût de la construction, couplé à la hausse des taux, a mis le secteur en danger.

Niveau acquéreur, on ne s'y retrouve plus : les surfaces sont de plus en plus petites, le confort est réduit, et les prix sont déconnectés. En sachant que, fin de la bulle ou pas, un logement neuf ne se revend jamais au prix du neuf, puisqu'il n'est plus neuf à partir de la première habitation.

Que dire si en plus, le marché chute de 30% ? 

Il faut donc que les promoteurs corrigent leur prix le plus rapidement possible.

D'autant que niveau investisseurs traditionnels, les incitations comme le Pinel + ou les autres leviers de défiscalisation sont de moins en moins pertinents sur de tels prix de vente.

➡️ Les loyers sont régulés, et la rentabilité est de moins en moins bonne. 
Même les investisseurs ne sont plus au rendez-vous.

Les conséquences à moyens et longs termes de cette situation de crise

Nous vous invitons à regarder la très juste et très fine analyse d'Olivier Berruyer, économiste, qui porte un regard orienté data mais qui pressent que la vie va être dure pour les primoaccédants et pour toute la génération post-boomers. 

Vraiment, on insiste, cette vidéo est ultra éclairante..

En résumé : Berruyer démontre que si les boomers sont contents de faire une belle plus-value à la revente, ils ne considèrent pas suffisamment que la hausse du marché impacte la génération de leurs enfants comme suit :

  • Choix de vivre plus loin,
  • Choix d'avoir moins d'enfants car il manque une pièce pour en avoir davantage,
  • Impacte le restant à vivre et le temps de loisir en famille.

Voici pour les effets sociologiques.

Économiquement, s'ils achètent maintenant, ils vont être perdants sur toute la ligne car la baisse des prix est inéluctable. Imaginons qu'ils doivent revendre avant la fin de leur crédit, dans les 5 ans par exemple, et ils ne seront même pas en capacité de racheter un nouveau bien. Et si l'offre se raréfie car les vendeurs ne veulent plus vendre puisqu'ils ne pourraient plus non plus s'offrir le bien de leur rêve, la boucle est malheureusement bouclée.

C'est une véritable crise du logement, notamment pour les primo-accédants qui se voient actuellement refuser complètement l'accès au crédit, sauf à avoir un apport ou des revenus substantiels.

La sortie de crise, une perspective ?

En 2024, on s'attend à une vraie correction du marché. À Nice, nous faisons toujours figure d'outsider car la situation ne correspond jamais exactement à l'ensemble du territoire. Mais nos agents immobiliers savent qu'il faut passer par un retour des prix à la normale, et ils font tout ce qu'ils peuvent pour faire prendre conscience de la gravité de la situation.

Retour

Ce site est protégé par reCAPTCHA et les règles de confidentialité et les conditions d'utilisation de Google s'appliquent.