Une crise du logement structurelle
D'après le rapport, trois éléments façonnent la crise du logement :
L'augmentation de la population française (10 millions de personnes en 40 ans) additionnée à une durée de vie plus longue et donc à une occupation des logements plus longue. Ajouté à un éclatement des foyers de divorcés favorisant le recours à des nouveaux logements, saturent un parc locatif privé pourtant croissant.
Les nouvelles réglementations toutes confondues, liées à la loi Climat enclenchant une pénurie de logements en location, ou un transfert de biens de la location longue durée soumis à l'agenda vers la location courte durée (LCD), non soumise. La ZAN (zéro artificialisation nette) provoque une pénurie de nouvelles constructions. Ce qui pourrait aussi être alimenté par les limites de disponibilité du foncier, particulièrement dans les zones tendues à la montagne ou en bord de littoral.
La concentration du parc locatif privé : les multipropriétaires d'au moins 5 biens ne sont que 3.5% mais représentent 50% des logements en location. Il y aurait donc une professionnalisation des loueurs qui, selon le projet de loi, cherchent avant tout une rentabilité.
En conséquence, l'attrition de l'offre provoque une augmentation des loyers et des prix de vente, excluant les populations précaires d'actifs, les retraités et les étudiants.
L'impact retentirait sur les entreprises dont les employeurs peinent à recruter par manque d'offres de logements à des tarifs abordables.
Il existe donc un déséquilibre entre la volonté de répondre à une demande touristique croissante, et le maintien de bonnes conditions de vie d'une population locale.
Pourquoi les propriétaires préfèrent la location saisonnière ?
Les arguments avancés dans le rapport, au niveau de l'analyse, seraient principalement
L'optimisation fiscale : avec une déclaration des revenus non pas en foncier mais en BIC, procurant un avantage fiscal au niveau de la déduction des amortissements (en régime réel), et un niveau d'abattement d'impôt qui serait, selon le législateur, une niche fiscale injustifiée et sans contrepartie.
La rentabilité : inutile de développer, tout le monde comprend le modèle économique.
La sécurité : les propriétaires sont mieux protégés des impayés qu'en location nue, dans la mesure où le loyer est payé d'avance, qu'une caution (et non pas un dépôt de garantie) est exigible, et que le contrat de réservation n'est pas un bail : le locataire n'est pas protégé.
Une régulation moindre : jusqu'ici aucun DPE n'était requis, aucune rénovation énergétique et aucun risque de voir son bien retiré du marché à cause d'un mauvais score.
Que pensent-ils de la location classique ?
Les dernières données du baromètre BPCE montrent que les Français sont majoritairement des bailleurs de location nue, de petites surfaces. La stabilité de la durée d'occupation et une gestion plus légère justifient ce choix.
Le baromètre explore les craintes de ces bailleurs, qui sont précisément l'alourdissement de la fiscalité, et une gestion qui deviendrait trop compliquée. Alors même que plus de la moitié des biens en location sont gérés par un professionnel : agence immobilière ou intermédiaire de tourisme.
Le chiffre le plus saisissant : 20% des loueurs louent à perte. Le loyer ne couvre pas les charges.
En réalité, la rentabilité ne s'atteint pas avec un seul logement, en location vide. C'est pourquoi il faut multiplier les opérations d'acquisition pour devenir rentable.
Il semble évident que les propriétaires sont favorables à la location courte durée dès qu'elle est possible si le besoin est de couvrir les charges d'un bien hérité, à maintenir dans le patrimoine familial.
Les mesures de régulation mises en place avant la loi anti-Airbnb
Avant que la LCD génère un problème de stock d'appartements dans les zones tendues, la première levée de bouclier est venue des voisins dans la copropriété. En effet, les nuisances sonores et le dérangement occasionné par les allers et venues des touristes dans des bâtiments utilisés comme résidence principale par les habitants, a amené une première salve de réglementations.
Mais ce n'est pas la seule raison : le contrôle du statut fiscal, comme vous allez le voir dans le tableau récapitulatif, était aussi la finalité des premières mesures.
C'est seulement plus récemment que le changement d'usage et la compensation ont été imposés, effectivement parce que la pénurie de logements commençait à s'installer.
Le rapport Le Meur nous informe que ces mesures sont largement insuffisantes, mais c'est probablement parce que les causes de la pénurie ne sont pas uniques, et ne sont pas uniquement du fait des loueurs en courte durée.
TABLEAU À INSÉRER
Mesure 1 : Obligation de la déclaration en mairie
Sauf pour les résidences principales. On essaye de contourer le marché immobilier du meublé de tourisme. Avec le temps (à Nice par exemple), un nombre limité de déclarations par foyer fiscal est imposé, et une compensation devient obligatoire dès le 2ème logement. La loi apporte un nouveau mode national d'enregistrement via une API (téléservice).
Mesure 2 : Le changement d'usage
Considérant que l'usage d'habitation ne s'applique pas dès lors que les résidents sont occasionnels et de passage, le changement d'usage permet également de mesurer le parc de meublé de tourisme, mais aussi de fixer la règle de la compensation.
Cette règle oblige le propriétaire à changer d'usage définitivement pour un bien qui est loué en saisonnier au-delà de 5 ans, mais aussi dès le deuxième bien.
Le propriétaire doit alors transformer des locaux non habitables en locaux d'habitation : toute surface commerciale ou de bureaux peut servir à cette finalité.
Mesure 3 : la centralisation des données à l'échelle européenne
Aujourd'hui plus rien ne se fait sans échelle européenne, c'est pourquoi dorénavant l'UE demande accès aux données des plateformes afin de les traiter et de les renvoyer à la demande aux communes.
Les failles du système actuel qui justifient le durcissement
Il apparaît que certains propriétaires utilisent des méthodes qui contreviennent à la loi :
Faux numéro d'enregistrement : c'est la raison pour laquelle la loi Le Meur autorise l'UE à collecter les informations sur les plateformes qui auront une obligation de se soumettre au risque de payer une amende. Charge aux communes de faire les rapprochements avec leurs administrés.
Utilisation à l'excès du bail mobilité : ce bail a les mêmes attributs que le bail étudiant. Sa durée court de 1 mois à 10 mois maximum et n'est pas renouvelable. Ainsi, le locataire libère le logement pour la saison estivale et le bien se retrouve sur airbnb. Une fois l'été passé, et puisque le bail mobilité n'a, dans les faits, pas été renouvelé ni prolongé, l'ancien locataire peut revenir dans les lieux en signant un nouveau bail mobilité. Bien-sûr, ce format arrange les propriétaires mais pousse les locataires à l'année dans une grande précarité.
Déclaration du logement en résidence principale pour obtenir un droit à la location courte durée d'une durée maximale de 120 jours par an, sans avoir besoin d'enregistrer le logement ni de demander un changement d'usage.
Quels sont les points clés de la loi Le Meur
Après avoir été largement débattu, seuls quelques articles du projet ont été adoptés par le Sénat. D'autres restent en suspens, ou seront peut-être intégrés au fil de l'eau. Il faut savoir que de nombreux amendements n'ont pas été votés car ils menaçaient directement le droit de jouir et d'utiliser son bien librement.
Voici les points clefs officiels.
Intégration des obligations énergétiques
Cette mesure n'a pas vocation à empêcher la location touristique, mais plutôt à rééquilibrer le poids des obligations qui rendaient le marché classique moins attractif.
Ainsi, les locaux de tourisme ne pourront recevoir l'autorisation de changement d'usage qu' à la condition que l'étiquette du DPE soit comprise entre A et D.
Ceci dit, ce ne sont pas ces mesures qui permettent de réguler le marché. C'est même une contrainte qui freine et pénalise l'ensemble du marché immobilier, alors même que la responsabilité de cette situation est à peine effleurée.
Liberté aux communes de durcir les mesures en place
Si un maire estime que la durée minimum de location pour obtenir un changement de destination du local doit être abaissée, il en aurait la prérogative. Il pourrait aussi fixer une amende pour défaut d'enregistrement ou faux numéro d'enregistrement.
De fixer des quotas
Les mairies peuvent décider d'un quota du nombre de changements d'usage sans faire appel à l'accord de la Préfecture. Cela pourrait être la première étape vers la limitation du nombre de meublés de tourisme.
D'imposer une servitude de résidences principales
Ce qui revient à imposer, lors de nouvelles constructions, un quota minimum de résidences principales. Ou encore, un quota maximum de résidences secondaires dans la commune.
Les mesures fiscales
Les sénateurs auraient pu faire bénéficier des mêmes avantages fiscaux aux propriétaires bailleurs de locations nues. Et donc provoquer réellement l'inversion de la tendance à louer en meublé.
Au lieu de cela, on est venu raboter la niche fiscale de tous les meublés, y compris les classés. Ce qui n'est pas non plus complètement décourageant.
Car ce que la commission oublie, c'est que les gens ne font pas de la LCD uniquement pour la rentabilité, mais aussi pour se prémunir du risque locatif traditionnel d'impayé, et de maintien sans droit d'un locataire de mauvaise foi dans les lieux (ou même pour prévenir le squat d'une résidence secondaire).
Il faudrait mener une action sur cette partie du marché locatif pour avoir un véritable effet de désengorgement.
Réduire le nombre de meublés : l'unique problème ?
La loi anti-airbnb est anti meublé. Elle n'est pas en faveur de la location longue durée. Alors que les objectifs de cette loi sont pourtant de rééquilibrer, de désaturer le parc immobilier des villes en zone tendue, et que l'investissement locatif privé constitue la plus grosse offre de logement du territoire.
Il est évident que si on apportait une réponse juridique notamment en modifiant les baux d'habitation classique de 1989 pour offrir de meilleures garanties aux propriétaires, et qu'on proposait des nouvelles règles fiscales pour favoriser ce type d'investissement, le problème n'existerait plus.
Notamment parce que les coûts de gestion de la location saisonnière sont importants : environ 20% du montant de la location, contre 7% en location classique. Et qu'il est beaucoup plus simple de gérer un bien à l'année qu'à la semaine.
Positionner l'abattement de la location nue au-dessus de celui du meublé, ferait un excellent appel d'air.
Améliorer le secteur pourrait être si facile en favorisant la location nue....