La crise immobilière tertiaire : causes, impacts et perspectives d'évolution

Publié le 16 juin 2025

Pourquoi l'immobilier de bureau est-il en crise ?  L'immobilier tertiaire français traverse une période de profondes mutations sans précédent. Bureaux, locaux commerciaux, entrepôts logistiques : l'ensemble du marché immobilier professionnel fait face à des défis inédits liés aux changements d'organisation du travail, aux nouvelles habitudes de consommation, à la hausse des taux d'intérêt et aux exigences environnementales croissantes. Si cette crise immobilière systémique touche l'ensemble du territoire, certaines métropoles comme Nice Côte d'Azur présentent des situations contrastées, alternant entre dynamiques de développement et défis de vacance immobilière.

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Un contexte national différencié selon les secteurs

Les bureaux : entre crise et stabilisation

Comme Paris intra-muros, ses croissants et ses couronnes sont assez représentatifs du marché global, les observer est source d'enseignement. En Île-de-France, le taux de vacance des bureaux a atteint 10,3% en janvier 2025, contre 4,8% fin 2019 avant la crise sanitaire. Cette progression spectaculaire illustre l'ampleur des bouleversements que traverse le secteur. 

Quels sont les facteurs de la crise immobilière tertiaire ? Plusieurs éléments documentés expliquent les difficultés économiques du secteur :

Impact de la crise économique sur les entreprises : Face à un contexte économique incertain (+0,1% de croissance du PIB au premier trimestre 2025), les entreprises font preuve de prudence dans leurs investissements immobiliers. Les indicateurs de confiance des entreprises (Climat des Affaires et indice PMI) montrent une confiance limitée dans leurs perspectives business.

Prudence généralisée des entreprises : Cette crise économique a entraîné une approche prudente des entreprises en matière de recrutement et d'investissement. Les entreprises reportent leurs projets d'acquisition ou de location de bureaux, privilégiant la préservation de leur trésorerie et l'attentisme face aux incertitudes.

Révision des besoins immobiliers : Les entreprises repensent fondamentalement leurs besoins en espaces de travail. Le développement du télétravail et des organisations "flex" leur donne une marge de manœuvre pour absorber les variations d'effectifs par la mutualisation des espaces, réduisant ainsi leurs besoins en surfaces de bureaux.

Le point de vue d'Éric Martin : concernant les petites surfaces de bureau, entre 20 et 30 m², trouver un locataire est beaucoup plus dur qu'avant. Auparavant on louait une petite surface pour recevoir des clients et signer des affaires. Avec la digitalisation, on peut tout faire à distance. De plus, une petite entreprise préfère domicilier son bureau dans la résidence principale pour ne pas subir une fiscalité très lourde (transfert des charges sur le locataire, taxe foncière, travaux éventuels) ainsi que la perte sèche du loyer. Elle se loue à elle-même l'espace de travail et rentre ainsi des revenus.

L'état actuelle du marché locatif tertiaire

Quel est l'état actuel du marché locatif ? Le marché locatif tertiaire présente des situations contrastées selon les segments :

➡️ Bureaux : taux de vacance en forte hausse (10,3% en Île-de-France), demande concentrée sur les actifs de qualité répondant aux nouveaux standards ESG.

➡️Commerce : polarisation entre les artères prime des centres-villes qui résistent et les zones périphériques en difficulté (taux de vacance de 12,5%).

➡️Logistique : secteur le plus résilient avec 798 000 mètres carrés placés au premier trimestre 2025, mais taux de vacance en hausse (6% actuellement, 7% attendus fin 2025).

Les principales causes de cette crise immobilière multifactorielle :

  • La révolution du télétravail : La crise sanitaire a accéléré l'adoption du télétravail, réduisant la demande de bureaux. La population éligible devrait tripler pour atteindre 31% dans deux ans

  • L'impact sur le marché de la crise sanitaire : les confinements et fermetures de commerces "non essentiels" ont bouleversé les besoins en espaces tertiaires

  • L'inflation et la hausse des coûts : l'indice du coût de la construction (ICC) dépasse désormais les 2 100 points (+8% en un an), impactant la rentabilité des projets

  • Les nouvelles habitudes de consommation : essor du e-commerce transformant les besoins en espaces commerciaux et logistiques

  • Les nouvelles exigences environnementales : Plus de 80% du parc immobilier de 2050, date échéance censée répondre aux normes environnementales, est déjà construit. La transition énergétique devient une contrainte majeure via la rénovation et le réemploi des sites.

L'impact de la pandémie sur l'immobilier tertiaire

Comment la pandémie a-t-elle impacté l'immobilier ? La crise sanitaire a constitué un véritable accélérateur de transformations déjà amorcées :

➡️L'effondrement du logement du marché des bureaux : le télétravail, imposé durant les confinements, s'est pérennisé. La surface de bureaux loués entre 2019 et 2020 a baissé de 40%, entraînant une hausse spectaculaire des taux de vacance.

➡️La transformation du commerce : les mesures de confinement et la fermeture des "commerces non essentiels" ont accéléré la digitalisation. L'envolée du commerce électronique a révolutionné la logistique, nécessitant "trois fois plus d'espace logistique" selon les experts.

➡️Le changement des besoins : les entreprises repensent leurs besoins immobiliers, privilégiant la flexibilité et la qualité environnementale. Les espaces de travail hybrides et les solutions de coworking se développent.

Les conséquences de la crise actuelle

Impact sur les ménages et l'économie

Le nombre total d'entreprises en difficulté a fortement progressé en 2023 : 57 000 au total (+30% vs 2022), dont 25% d'entreprises du bâtiment et de la promotion immobilière. Le FPI (fonds de placements immobiliers) estime que 300 000 emplois seraient supprimés d'ici 2025, dont 150 000 dans le bâtiment.

Les difficultés économiques des entreprises se répercutent sur l'emploi. Les premiers signes de faiblesse sont apparus mi-2024, avec une vigilance particulière à apporter sur le marché du travail. Cela impacte évidemment l'activité des commerces et donc, la location des locaux commerciaux.

L'adoption massive du télétravail transforme durablement l'organisation du travail et remet en question les besoins traditionnels en espaces de bureaux.

Les nouveaux défis sectoriels de l'immobilier tertiaire

Transition énergétique et réglementations

Le Décret Tertiaire impose des objectifs ambitieux de réduction de la consommation énergétique, obligeant les propriétaires à revoir en profondeur la gestion et la rénovation de leurs actifs. Cette contrainte réglementaire s'accompagne d'opportunités pour les bâtiments les plus performants, qui voient leur valeur augmenter.

Les entreprises doivent désormais intégrer :

  • Les certifications environnementales (LEED, BREEAM, BiodiverCity)

  • L'optimisation de la gestion technique des bâtiments

  • Les critères RSE dans leurs cahiers des charges

  • La mobilité durable et le bien-être des occupants

L'évolution différenciée des espaces

Pour les bureaux : Les mutations en cours laissent à penser que l'immeuble de bureaux monofonctionnel va connaître une profonde transformation. Les entreprises privilégient désormais des espaces flexibles, modulables et favorisant la collaboration. Plus des ¾ des volumes placés dans la logistique au T1 2025 ont porté sur des bâtiments neufs, confirmant cette recherche de qualité.

Pour le commerce : les investisseurs privilégient les actifs de qualité et bien situés dans les centres-villes dynamiques. Les secteurs de l'immobilier de santé, logistique, et de bureaux se distinguent par leur attractivité, contrairement aux secteurs du tourisme, des loisirs et du commerce traditionnel.

Pour la logistique : l'optimisation et la recherche d'efficacité conjuguées aux injonctions réglementaires orientent clairement la demande vers des bâtiments de qualité répondant aux enjeux de productivité et d'efficacité de la supply chain.

Nice Côte d'Azur : un territoire aux dynamiques contrastées

Le territoire niçois présente des caractéristiques particulières dans le contexte de crise nationale de l'immobilier tertiaire. Selon le baromètre 2022 d'Arthur Lloyd, Nice a été classée première métropole de sa catégorie pour l'immobilier tertiaire et l'accueil des entreprises, témoignant de certains atouts du territoire.

Un développement immobilier tertiaire toujours en cours

Bureaux et espaces d'innovation : ce ne sont pas moins de 10 000 mètres carrés de bureaux qui sont livrés chaque année au sein de Nice Eco vallée, dans la Plaine du Var, avec des projets adaptés aux besoins des entreprises dans un environnement économique spécifique, au cœur de quartiers à haute exigence environnementale.

Zones d'activités et logistique : Nice bénéficie d'un positionnement avec plusieurs zones d'activités économiques : Nice la plaine, le Parc d'Activité Logistique Saint-Isidore, le Parc d'Activités du Grand Arénas, les Parcs d'Activités de Saint-Laurent et de Carros. Le loyer annuel moyen d'un entrepôt à Nice s'établit à 148 €/m² en 2025, reflétant les conditions du marché local.

Commerce et distribution : la proximité de l'aéroport international Nice Côte d'Azur, du port et des axes autoroutiers (A8) positionne Nice comme un hub pour la distribution régionale et internationale, bien que les données spécifiques sur les performances du secteur commercial ne soient pas disponibles.

Les projets phares du territoire :

  • Le quartier d'affaires Grand Arénas

  • La technopole Nice Méridia

  • Des programmes mixtes alliant bureaux, commerces, hôtellerie et logements sur plus de 25 000 m²

  • Des zones d'activités logistiques idéalement situées à 8km de l'échangeur A8

L'attractivité internationale est maintenue

Selon le baromètre 2025 de l'attractivité d'EY, si l'Europe enregistre une baisse de 5% des investissements étrangers, Nice Côte d'Azur illustre une dynamique spécifique de résilience face à la prudence globale des investisseurs. À l'échelle de la Métropole Nice Côte d'Azur, les objectifs d'implantation ont été atteints en 2024, malgré un fléchissement du volume d'emplois générés.

Le point de vue d'Éric Martin et d'Antoine Bierlaire : les zones de St Laurent et de Carros ont au moins 50 ans. Or il y a une forte demande en zone artisanale mais on est confronté à l'éternel paradoxe : la nécessité d'urbaniser avec les contraintes de la ZAN et d’un foncier très rare. on ne ressent pas de réelle volonté politique pour favoriser les investissements.

Les stratégies d'adaptation par segment

Pour les investisseurs et promoteurs

Dans ce contexte mouvant, plusieurs stratégies émergent selon les typologies d'actifs :

Bureaux - Reconversion et mixité :

  • Transformation de bureaux en logements

  • Développement de programmes mixtes

  • Création d'espaces de coworking et de tiers-lieux

Commerce - Adaptation aux nouveaux usages :

  • Développement de la mixité d'usage dans les centres commerciaux (voir d'ailleurs l'exemple du Polygon Riviera qui convertit une partie de ses commerces en bowling et espaces de divertissement).

  • Intégration d'espaces de loisirs et de restauration

  • Digitalisation de l'expérience client

Logistique - Innovation et durabilité :

  • Mise en place de solutions innovantes : isolation renforcée, systèmes performants

  • Développement de la logistique urbaine et du dernier kilomètre

  • Intégration des critères RSE dès la conception

Pour les entreprises

Les entreprises adaptent leurs stratégies immobilières différemment selon leurs besoins :

Stratégies bureaux :

  • Le flex office et les espaces partagés

  • La renégociation des baux pour des surfaces optimisées

  • L'investissement dans la qualité plutôt que la quantité

Stratégies commerciales :

  • Recherche d'emplacements dans les centres-villes dynamiques

  • Adaptation aux nouvelles exigences environnementales

  • Intégration du multicanal (physique/digital)

Stratégies logistiques :

  • Optimisation des chaînes d'approvisionnement

  • Développement de la logistique verte

  • Recherche de flexibilité dans les contrats de location

Comment le marché immobilier va-t-il évoluer ?

Perspectives d'évolution du marché selon l'étude CBRE 2025

Selon l'étude "France Real Estate Market Outlook 2025" de CBRE, comment le marché immobilier va-t-il évoluer ? 2025 sera "une année pleine de défis, mais aussi d'opportunités pour les investisseurs en immobilier d'entreprise". Cette analyse prospective confirme une reprise différenciée selon les segments :

➡️Tendances immobilières globales : la croissance française restera affaiblie en 2025 compte tenu des obstacles qui obèrent la pleine relance de la demande, en particulier de la consommation privée. Une vigilance particulière est à apporter sur l'emploi, dont les premiers signes de faiblesse sont apparus mi-2024.

➡️Investissement immobilier : alors que la reprise est enclenchée en Europe, le marché de l'investissement semble se stabiliser en France2024 devrait être un point bas pour le marché et les volumes devraient légèrement augmenter en 2025 sans qu'il ne s'agisse pour autant d'une franche reprise.

Prévisions sectorielles pour la nouvelle économie

Bureaux - Évolution du marché : conséquence d'un contexte économique morose et politique incertain, le marché utilisateurs de bureaux a enregistré un repli en 2024. Il ne devrait pas connaître de franche reprise en 2025. La demande se concentre néanmoins sur les bâtiments de qualité répondant aux nouveaux standards environnementaux.

Commerce - Perspectives futures : dans le contexte d'incertitude actuelle, la confiance des ménages reste mal orientée. Il est peu probable que la consommation reparte fortement à la hausse en 2025. Néanmoins, la volonté des enseignes de poursuivre leurs projets de développement reste intacte, du moins pour les artères prime. L'investissement de 1,35 milliard d'euros au premier trimestre 2025 témoigne de cette sélectivité.

Logistique - Évolution du marché : l'évolution politique et économique de la France ne laisse pas entrevoir d'éclaircie à court terme. L'attentisme des utilisateurs prévaudra en 2025 et la hausse du stock disponible enclenchée se poursuivra inexorablement. Cependant, le secteur reste porté par l'essor du e-commerce et l'évolution des chaînes d'approvisionnement.

Les facteurs clés d'évolution

Critères ESG au cœur des décisions :Les feuilles de route et les décisions d'investissement seront de plus en plus influencées par des critères à géométrie variable quant à la typologie et la qualité des actifset la thématique ESG y sera pleinement intégrée. Cette tendance favorise les territoires comme Nice Côte d'Azur qui ont développé une offre respectueuse de l'environnement.

Sélectivité accrue des investisseurs : dans ce contexte, les investisseurs privilégient de plus en plus les actifs de qualité, bien situés et répondant aux nouvelles exigences environnementales et sociétales.

Les territoires gagnants

Les métropoles comme Nice Côte d'Azur, qui ont su anticiper les mutations et développer une offre adaptée sur l'ensemble des segments tertiaires, sont les mieux positionnées pour tirer parti de cette nouvelle donne :

  • 55 000 mètres carrés de nouveaux immeubles tertiaires livrés depuis 2015

  • 100 000 mètres carrés supplémentaires programmés dans les 3 prochaines années

  • Écosystème logistique performant avec des zones d'activités stratégiquement positionnées

  • Attractivité commerciale maintenue grâce au dynamisme touristique et économique

  • Résilience confirmée face aux aléas géopolitiques selon l'analyse d'attractivité 2025

Un avantage concurrentiel durable : selon Hervé Laubertie, directeur général de Team Nice Côte d'Azur : "La Côte d'Azur résiste plutôt mieux que les autres territoires aux aléas géopolitiques", soulignant la nécessité d'une lecture territorialisée de l'attractivité. investisseurs privilégient de plus en plus les actifs de qualité, bien situés et répondant aux nouvelles exigences environnementales et sociétales.

Le marché 2025 vu par Gestion Cassini

Citons Éric Martin : "il faut être ambitieux pour s'installer !" On sent les chefs d'entreprises inquiets, la crise est importante et bien installée. Des locaux qui se seraient loués en 3 semaines mettent maintenant plusieurs mois à trouver preneur. Pour les bureaux aussi, la période est difficile. Il y a une offre importante de bureaux sur le marché. Et la demande est absente. Il est possible aussi que la concurrence des nouvelles surfaces impacte les anciennes. 

Pour le commerce : la tendance actuelle que nous percevons au travers des visites, émane de l'esthétique (onglerie...). Des adresses numéro 1 comme sur la rue de la Buffa captent le peu de demandes. La localisation demeure toujours le critère numéro 1 de l'installation.

Les perspectives 

La crise de l'immobilier tertiaire en France révèle une transformation profonde qui dépasse le seul rapport au travail pour englober l'ensemble des usages : bureaux, commerces et logistique. Si les défis sont nombreux à l'échelle nationale, des territoires comme la métropole Nice Côte d'Azur démontrent qu'une approche stratégique globale, combinant innovation, qualité environnementale et attractivité économique, permet de maintenir une dynamique positive sur l'ensemble des segments.

Les clés du succès dans ce nouveau paradigme :

  • Vision transversale : Traiter l'immobilier tertiaire dans sa globalité (bureaux, commerces, logistique)

  • Anticipation des mutations : Télétravail, e-commerce, logistique urbaine

  • Investissement dans la qualité et la durabilité : Répondre aux nouvelles exigences environnementales

  • Développement d'écosystèmes économiques attractifs : Créer les conditions de l'innovation

  • Adaptation de l'offre aux nouveaux besoins des entreprises et des consommateurs

  • Flexibilité : Espaces modulables et contrats adaptés aux évolutions du marché

L'avenir de l'immobilier tertiaire se dessine autour de ces principes, favorisant les territoires qui sauront les mettre en œuvre avec audace et pertinence. L'analyse CBRE 2025 confirme que malgré un contexte national difficile, les opportunités existent pour les acteurs qui sauront faire preuve de sélectivité et d'adaptation. Nice illustre tant bien que mal cette capacité d'adaptation, maintenant son attractivité sur l'ensemble des segments de l'immobilier professionnel dans un contexte pourtant marqué par l'incertitude.

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