Peut-on négocier des clauses du bail commercial ?

Ordre public et liberté contractuelle

Publié le 18 décembre 2023

Le contrat de bail commercial a beaucoup évolué. Pour une raison principale : les locataires étaient nombreux à se plaindre d'une prise de liberté excessive par les propriétaires quant au transfert des charges et des obligations sur eux.
Depuis, la loi Pinel est venue renforcer en faveur du locataire plusieurs éléments du contrat qu'il faut connaître. Savoir ce qui relève de l'ordre public ou de la négociation entre les parties est vital pour ne pas avoir à assigner en justice.

Éric Martin explique en quelques mots : La volonté des parties fait le bail mais on ne peut déroger à l'ordre public ; c'est noté dans la loi. La jurisprudence prévaut également sur le contrat de bail commercial.

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La notion d'ordre public dans le bail commercial

En droit des contrats, l'ordre public est l'ensemble des règles fixées et desquelles on ne peut déroger, même pour une exception.

Les conséquences :

  • Les clauses qui iraient à l'encontre de ces règles seraient réputées comme non écrites et donc nulles et non avenues.
  • La loi Pinel suivie de tous les arrêts de la Cour de Cassation qui ont fait jurisprudence, marquent l'encadrement musclé de la liberté contractuelle dans les baux commerciaux.

Les règles d'ordre public dans le bail commercial ne sont pas négociables

Voilà, c'est dit ! Quand bien même un arrangement serait favorable aux deux parties pour conclure une clause qui serait contraire à l'ordre public, elle serait parfaitement illégale et opposable.

On ne négocie pas les éléments d'ordre public. Les voici listés :

  • La durée du bail commercial : article L145-4 du code du commerce. Elle ne peut être inférieure à 9 ans. Sachez qu'il existe un bail dit précaire (ou dérogatoire) pour tester son activité, dont la durée est de 3 ans. Le bail commercial est conclu pour 9 ans. C'est d'ordre public. Et le renouvellement pour une durée de 9 ans est aussi d'ordre public. Si un renouvellement est conclu pour une durée de 12 ans, il doit y avoir accord expresse des parties.
  • L'état des lieux : article L145-40-1. Il est obligatoire et le propriétaire ne peut s'y soustraire. Il doit être porté en annexe du contrat de bail.
  • La cession du fonds de commerce : l'article L145-16 stipule très clairement que les clauses empêchant la cession du fonds de commerce, du bail et du droit au bail sont nulles. La cession du bail et du fonds sont donc d'ordre public.
  • La révision triennale du loyer et son indexation : les articles L45-33 à L145-40 prévoient les conditions et les dates de la révision du loyer commercial. Pour autant, il n'est pas obligatoire (mais vraiment recommandé) de le mentionner dans le bail commercial. Tout cela est fait de manière automatique.
  • La clause résolutoire : article L145-41 Le propriétaire souhaitant faire exécuter son droit à la résiliation du bail pour manquement du locataire doit respecter un délai de un mois après avoir averti son locataire. Ce délai doit être porté au bail et est d'ordre public. Le locataire a 1 mois pour régler le manquement et retrouver son droit à jouir de son bail.
  • La déspécialisation : article L145-47 Le locataire a le droit de déspécialiser son activité MAIS il doit d'abord demander l'avis favorable du propriétaire qui doit vérifier que les nouvelles activités sont connexes. Il peut en résulter une hausse de la valeur locative lors d'une révision du loyer. Il faut aussi que le règlement de copropriété, si le local se situe dans un immeuble, permette ces nouvelles activités.
  • La forme et le délai légal du préavis ou de la demande de renouvellement : article L145-9 Le congé ou la demande de renouvellement doivent être envoyés 6 mois minimum avant la date de reconduction du bail commercial et par voie extrajudiciaire. Autrement dit une mention précisant que le congé pourrait être envoyé par courrier avec accusé de réception est fausse.
  • Le droit de préemption du locataire en cas de vente : le locataire est prioritaire sur d'autres acquéreurs pour racheter le local.

Les sanctions prévues de l'ordre public concernant le bail commercial

Il se peut que, mal accompagné, vous soyez amené à signer un document avec des clauses mal rédigées ou illégales, notamment après une libre négociation.

Des recours sont possibles, heureusement. Il existe toute un arsenal en nullités de clauses à l'appréciation de la Cour. Cela peut être une nullité partielle de la clause ou une nullité totale. On parle aussi de clause non écrite ou de clause réputée partiellement non écrite. Bref, les possibilités sont nombreuses, mais aucunes n'annulent entièrement le contrat de bail commercial.

Le site juridique lexbase donne quelques exemples des arrêtés pris par la cour de Cassation :

  • Nullité d'une clause d'enseigne : la cour de cassation a annulé cette clause car elle empêchait la déspécialisation du local et faisait obstacle à la cession du fonds de commerce.
  • Nullité d'une clause résolutoire qui n'accordait que 15 jours à un locataire pour payer un impayé de loyer.

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Comment faire appliquer les sanctions ?

Il faut impérativement saisir la justice dans les 2 ans pour qu'il n'y ait pas prescription.

Si le délai est dépassé, la nullité ne pourra pas être appliquée donc il faudra attendre le renouvellement du bail pour retirer les clauses du contrat.

Ordre public ou pas ? Les autres clauses importantes dans les baux commerciaux

Je suis locataire, qu'est-ce que le propriétaire bailleur ne peut pas mettre à ma charge dans les statuts du bail ?

  • Les honoraires de gestion du bien loué : c'est à lui de les payer et c'est d'ordre public donc c'est une disposition légale.
  • La charge des grosses réparations liée au bâtiment (art 606 du code civil).
  • Les réparations liées à la vétusté et à la mise en conformité du bâtiment (sauf dérogation stipulée dans le bail car ce n'est pas d'ordre public. La mise aux normes PMR est un exemple de dérogation)

Ainsi le propriétaire bailleur prend à sa charge :

  • Les grosses réparations liées au bâtiment (article 606 du code civil).
  • Les mêmes réparations liées à la vétusté et à la mise en conformité du bâtiment (sauf dérogation dans le bail).
  • Les honoraires de gestion du bien loué.
  • Les impôts, taxes et redevances liés au bien loué sauf dérogation dans le bail.
  • L’ensemble des taxes, charges et impôts liés à des biens vacants dans le même ensemble ou imputables à d’autres locataires. ordre public


Le locataire prend à sa charge :

  • Les dépenses des consommations en eau et énergétiques.
  • Les frais des travaux d’entretien et les réparations des équipements et des revêtements.
  • Les Honoraires du syndic si c’est la volonté des parties (il n'y a pas d’ordre public).
  • Les frais et charges de copropriété dont bénéficie le locataire (ascenseur, ménage, espaces verts….)
  • Les travaux d’embellissement dont le montant est supérieur à une remise en l’état à l’identique.
  • Les primes d’assurance.

➡️ Dans la balance ? La taxe foncière et la TOM sont encore négociables, mais uniquement si c’est bien prévu dans le bail. Auquel cas on peut les imputer au locataire car cela n'est pas d'ordre public.

La rédaction du bail commercial : un acte de protection du preneur et du bailleur

L'intérêt de chacun est de connaître ses droits et de savoir ce que prévoit la loi. En matière de baux commerciaux, l'ordre public nous y aide, mais le diable est dans les détails.


C'est pourquoi Gestion Cassini vous accompagne dans la rédaction et l'application des clauses du bail.

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